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Publié le 20 décembre 2016 à 11h26 | Mis à jour le 20 décembre 2016 à 11h26
La Presse
La stratégie semblait sans faille. Locataire à Montréal, Joëlle achèterait un chalet qu’elle mettrait en location à temps partiel pour réduire les coûts. Mais un détail lui avait échappé…
LE PROBLÈME
Bonne nouvelle, Joëlle va bien. « Je suis une heureuse monoparentale de trois enfants, maintenant jeunes adultes, nous annonce-t-elle. Je suis seule en appartement à Montréal et à l’emploi de la fonction publique fédérale depuis huit ans, donc avec fonds de pension. »
Tout semblait dans l’ordre, donc, jusqu’à ce qu’elle achète un chalet en Mauricie, il y a trois ans.
Elle voulait ainsi investir en immobilier, « avec l’objectif de le louer au minimum 30 % du temps pour amortir les coûts et avoir un lieu de paix pour me sauver, durant l’été, de la chaleur des hauts de duplex ».
Elle constituerait du même coup un actif d’appoint pour la retraite.
« J’ai peur de rester locataire et de devoir y passer toutes mes économies dans 20 ans, explique-t-elle. Qui sait combien ça nous coûtera pour nous loger en appartement ? »
Au moment de prendre la décision, il y a trois ans, elle jugeait impossible d’acquérir à prix raisonnable à Montréal un condo suffisamment grand pour elle et les enfants qui habitaient alors avec elle.
Sur papier, la stratégie du chalet partiellement locatif semblait judicieuse. Si ce n’était un petit détail…
« Je n’avais pas vérifié au préalable (méga-erreur !) si la municipalité dans laquelle se trouve mon chalet permettait la location. »
Dur réveil.
« Je me retrouve donc avec une situation économique qui ne me laisse pratiquement aucune marge de manoeuvre, n’ayant qu’un seul revenu et deux endroits à payer. »
Comment s’extraire du bourbier ? Elle hésite entre trois solutions :
– vendre le chalet, malgré le risque de perte en capital, et épargner l’équivalent des coûts ;
– déménager dans le chalet mauricien et demander un transfert dans la région, dans un poste de niveau inférieur, au prix d’une diminution de salaire de 20 % ;
– vendre le chalet et acheter un condo à Montréal – « les enfants n’étant que là en visite, je peux me permettre un condo plus petit », explique-t-elle.
« Je cherche à souffler un peu plus, puisque le cumul de tous mes paiements fait en sorte qu’il n’y a pas de place pour les plaisirs de la vie et les gâteries. Tout n’est que paiements et ça n’a pas de sens d’attendre à la retraite pour se permettre un peu de bon temps. » – Joëlle
LA VIE EN CHIFFRES
Joëlle, 42 ans
Revenu brut : 65 000 $
Revenu net : environ 41 600 $
Régime de retraite de l’employeur : cotisations déterminées
REER : 0 $
CELI : 1400 $
Estimation municipale du chalet : 142 000 $
Valeur marchande : entre 165 000 $ et 170 000 $
Solde de l’hypothèque : 135 000 $
Paiements annuels (hypothèque et impôt foncier) : 10 640 $
Logement à Montréal : loyer de 810 $, chauffage inclus
LA RÉPONSE
En effet, les dépenses de logement de Joëlle sont exorbitantes en regard de son revenu net de 41 600 $.
« J’arrive à 53 % de ses revenus », observe la planificatrice financière Hélène Paradis, vice-présidente, conseillère en placement, chez Gestion de patrimoine TD.
« C’est énorme. »
En réponse, elle a chiffré les trois scénarios évoqués par Joëlle.
Scénario condo
À la demande de la planificatrice, Joëlle a estimé la valeur d’un condo qui lui conviendrait : environ 250 000 $, a-t-elle répondu.
De combien disposerait-elle pour l’acquérir si elle vendait son chalet ? Hélène Paradis retient un prix de vente de 150 000 $, à mi-chemin entre l’évaluation municipale et la valeur marchande. Elle estime qu’après avoir remboursé le prêt hypothécaire, payé les pénalités et acquitté tous les frais, Joëlle encaisserait une somme de 15 000 $ – en restant prudent, précise-t-elle.
En soustrayant cette mise de fonds, l’emprunt hypothécaire pour un condo de 250 000 $ s’élèverait à 235 000 $. Avec un taux d’intérêt de 2,84 % et un amortissement de 20 ans, question de solder le prêt avant la retraite, la mensualité s’établit à 1283 $.
En additionnant 15 400 $ en paiements hypothécaires, 2400 $ en charges de copropriété, 1000 $ en électricité et 2500 $ en impôt foncier, « on arrive à des frais de 21 300 $, ce qui représente encore 51 % de ses revenus nets », annonce-t-elle. « Si Joëlle y va avec ce scénario, elle n’améliore pas son cas. »
Joëlle se constituerait ainsi un bel actif au bout de 20 ans, mais entre-temps, sa situation budgétaire ne lui laisserait aucun répit, alors qu’elle cherche justement à réduire la pression.
Scénario chalet
Le scénario d’un déménagement en Mauricie n’apporte aucun soulagement. « J’arrive au même problème, constate notre experte. Elle n’a pas plus d’argent pour son loyer à cause de sa baisse de salaire. Et en plus, son fonds de pension est diminué parce qu’elle gagne 14 000 $ de moins par année. »
Scénario épargne
« La meilleure solution que j’ai trouvée pour réduire ses frais de logement, pour économiser et même avoir un surplus pour se payer du bon temps, comme elle dit, consiste à vendre son chalet, prendre les 15 000 $ et faire une cotisation REER avec cette somme. »
Hélène Paradis estime les dépenses annuelles du chalet à environ 12 000 $, incluant les frais de chauffage et d’entretien.
En se libérant des obligations mauriciennes, Joëlle dégagerait donc un surplus budgétaire équivalent.
De cette somme, elle réserve chaque année 9000 $ à l’épargne, dont 4800 $ versés eux aussi en REER. Après 20 ans, son compte REER contiendrait 179 000 $.
Elle utilise un rendement de 4 % – « je n’ai pas exagéré », dit-elle. Certains lecteurs s’étonnent quelquefois d’un tel rendement.
« Il faut diversifier les portefeuilles pour arriver à un rendement comme celui-là. » – Hélène Paradis
Hélène Paradis consacre 4200 $ par année au CELI, soit 350 $ par mois. « Après 20 ans, elle obtient 127 800 $. »
Au total, Joëlle détiendra donc un peu plus de 300 000 $ à l’orée de la retraite, une somme qui adoucira ses conditions de vie. Dans une dizaine d’années, avec l’épargne accumulée, peut-être décidera-t-elle de réévaluer la possibilité d’acquérir un condo. « Avec une mise de fonds plus élevée, l’hypothèque sera alors moins grande, et elle sera peut-être davantage en mesure de s’acheter une propriété. »
Des 12 000 $ récupérés chaque année, il lui reste encore 3400 $ pour ses dépenses, soit une augmentation de près de 300 $ par mois par rapport à sa situation actuelle.
« J’améliore sa retraite, j’améliore son niveau de vie actuel, résume Hélène Paradis. Elle n’est peut-être pas propriétaire d’un chez-soi, mais d’un autre côté, on a comblé beaucoup d’autres besoins. »