Elle devra payer pour la retraite de son conjoint Par Daniel Germain Experte invitée Karine Turcotte Gestionnnaire de portefeuille et associée au cabinet Medici Isabelle et Luc, tous deux âgés de 38 ans, ont toujours mené leurs finances avec rigueur. Prenez leur maison, achetée grâce à une hypothèque de 150 000 $ il y a neuf ans. En doublant leur mensualité, le couple a remboursé la banque en sept ans à peine.Il y a deux ans, cependant, quand la maison a été payée, Isabelle reconnaît qu’il y a eu un relâchement. «On s’est mis à voyager plus que par les années passées. On a aussi remplacé les appareils électroménagers. Jamais on n’avait connu un volume de dépenses aussi important », raconte-t-elle. C’était l’année où Pierre-Yves McSween publiait En as-tu vraiment besoin ?, un livre qui l’inspire. « J’ai réalisé qu’on dépensait trop », raconte Isabelle. Dans l’intervalle, son salaire a aussi presque doublé. Il est facile de succomber aux sirènes de la consommation quand les surplus de trésorerie deviennent soudainement abondants. Ils se sont vite ressaisis. Les parents de deux jeunes enfants se sont alors demandé s’ils pouvaient se libérer de l’obligation de travailler à 58 ans en épargnant cet argent. Ce qui caractérise ce cas est l’écart important de revenu entre les deux conjoints. Elle occupe un poste de gestionnaire dans la fonction publique. Elle gagne un salaire brut de 118 000 $ et bénéficie d’un régime de retraite à prestations déterminées. Quant à Luc, son poste de cadre dans une entreprise manufacturière lui vaut un salaire de 66 000 $. Pour seul régime de retraite, son employeur offre un REER collectif auquel il ne contribue pas. «Est-ce que mon conjoint pourra prendre sa retraite en même temps que moi en ayant une épargne REER de 9 000 $ par année ? » se demande Isabelle. « Étant donné mon régime de retraite, devrais-je privilégier le REER, le CELI ou encore le REEE des enfants ? » poursuit-elle. Karine Turcotte, gestionnaire de portefeuille au cabinet Medici, a reçu la mission de répondre aux préoccupations d’Isabelle. À la première question de notre lectrice, Mme Turcotte répond par une question : « Voulez-vous un plan conjoint ? » «Oui et non », répond Isabelle. Celle-ci veut d’abord savoir si son conjoint peut suivre son rythme sans son aide. Faisons le tour des avoirs du couple marié. Il détient des actifs financiers de 97 000 $ qui se répartissent ainsi : 35 000 $ dans le REER d’Isabelle, 38 000 $ dans celui de Luc, 13 000 $ dans un REEE commun et 11 000 $ en fonds d’urgence. La résidence est évaluée à 325 000 $, libre d’hypothèque. La valeur nette du ménage s’élève donc à 422 000 $. Les dépenses du couple sont de 85 000 $ par année, réparties 50-50. Des rénovations de la maison sont prévues en 2018; elles seront financées par une hypothèque et le fonds d’urgence. Mise en commun des ressources Luc ne pourra pas prendre sa retraite à 58 ans en s’appuyant sur ses seules ressources, constate rapidement Karine Turcotte. «Il ne peut pas suivre sa conjointe, dont la capacité d’épargne est plus grande et qui bénéficie d’un généreux régime de retraite. Il aura épuisé son capital à 69 ans tandis qu’Isabelle pourra épargner encore, même à la retraite. » Elle remarque qu’il serait plus facile pour Luc d’épargner si les dépenses du couple étaient réparties au prorata des revenus. Le seul plan qui fonctionne pour que le couple puisse se retirer à 58 ans suppose la mise en commun des ressources. Autrement dit, Isabelle devra financer en partie la retraite de Luc. «Cela permettrait de maintenir le niveau de vie actuel jusqu’à l’âge de 97 ans », calcule Karine Turcotte. Ses estimations sont fondées sur les rendements actuels du portefeuille d’Isabelle, soit 3,2 % net de frais. «Le plan pourrait souffrir d’une mauvaise séquence de rendement ou d’un autre événement qui pourrait accélérer l’épuisement du capital. La marge de manœuvre pourrait être insuffisante », dit la conseillère. Mme Turcotte relève que le portefeuille d’Isabelle est principalement composé de fonds distincts. «Ce type de produit coûte en moyenne 3,15 % en frais de gestion par année. » Il offre une forme de garantie du capital dont n’a pas besoin Isabelle. Les fonds communs coûtent moins cher, et les fonds négociés en Bourse sont moins chers encore. Une révision des produits d’investissement pourrait suffire à obtenir la marge de manœuvre supplémentaire. Le couple pourrait aussi envisager une réduction du coût de vie à un certain âge, par exemple à 80 ans. Le report de la retraite est une autre solution. Mme Turcotte fait remarquer que la vente de la maison durant la retraite fait également partie des options. REER, CELI ou REEE ? À la deuxième question d’Isabelle (faut-il privilégier le REER, le CELI ou le REEE ?), la conseillère rappelle que les parents devraient favoriser d’abord le REEE en raison des subventions des gouvernements. Le salaire d’Isabelle fait en sorte que le taux d’imposition sur ses dernières tranches de revenus gagnés est élevé. Il est plus avantageux d’opter pour le REER avant le CELI. Mme Turcotte souligne qu’Isabelle pourra réduire son taux d’imposition à la retraite en fractionnant le revenu de son régime de retraite d’employeur. Une autre manière d’optimiser le fractionnement de revenu consisterait pour Isabelle à contribuer au « REER du conjoint ». «Cette façon de faire lui permettra de bénéficier d’un plus gros capital à la retraite (58 ans) et de décaisser celui-ci à un taux d’imposition moindre à partir de ce moment. La priorité devra être ensuite accordée au CELI. » Dans tous les cas, le couple doit surtout veiller à améliorer la performance de leurs placements. « Ils consacrent des efforts pour épargner, mais ils n’en sont pas récompensés par leurs rendements », constate Mme Turcotte.
Par Daniel Germain Experte invitée Karine Turcotte Gestionnnaire de portefeuille et associée au cabinet Medici Isabelle et Luc, tous deux âgés de 38 ans, ont toujours mené leurs finances avec rigueur. Prenez leur maison, achetée grâce à une hypothèque de 150 000 $ il y a neuf ans. En doublant leur mensualité, le couple a remboursé la banque en sept ans à peine.Il y a deux ans, cependant, quand la maison a été payée, Isabelle reconnaît qu’il y a eu un relâchement. «On s’est mis à voyager plus que par les années passées. On a aussi remplacé les appareils électroménagers. Jamais on n’avait connu un volume de dépenses aussi important », raconte-t-elle. C’était l’année où Pierre-Yves McSween publiait En as-tu vraiment besoin ?, un livre qui l’inspire. « J’ai réalisé qu’on dépensait trop », raconte Isabelle. Dans l’intervalle, son salaire a aussi presque doublé. Il est facile de succomber aux sirènes de la consommation quand les surplus de trésorerie deviennent soudainement abondants. Ils se sont vite ressaisis. Les parents de deux jeunes enfants se sont alors demandé s’ils pouvaient se libérer de l’obligation de travailler à 58 ans en épargnant cet argent. Ce qui caractérise ce cas est l’écart important de revenu entre les deux conjoints. Elle occupe un poste de gestionnaire dans la fonction publique. Elle gagne un salaire brut de 118 000 $ et bénéficie d’un régime de retraite à prestations déterminées. Quant à Luc, son poste de cadre dans une entreprise manufacturière lui vaut un salaire de 66 000 $. Pour seul régime de retraite, son employeur offre un REER collectif auquel il ne contribue pas. «Est-ce que mon conjoint pourra prendre sa retraite en même temps que moi en ayant une épargne REER de 9 000 $ par année ? » se demande Isabelle. « Étant donné mon régime de retraite, devrais-je privilégier le REER, le CELI ou encore le REEE des enfants ? » poursuit-elle. Karine Turcotte, gestionnaire de portefeuille au cabinet Medici, a reçu la mission de répondre aux préoccupations d’Isabelle. À la première question de notre lectrice, Mme Turcotte répond par une question : « Voulez-vous un plan conjoint ? » «Oui et non », répond Isabelle. Celle-ci veut d’abord savoir si son conjoint peut suivre son rythme sans son aide. Faisons le tour des avoirs du couple marié. Il détient des actifs financiers de 97 000 $ qui se répartissent ainsi : 35 000 $ dans le REER d’Isabelle, 38 000 $ dans celui de Luc, 13 000 $ dans un REEE commun et 11 000 $ en fonds d’urgence. La résidence est évaluée à 325 000 $, libre d’hypothèque. La valeur nette du ménage s’élève donc à 422 000 $. Les dépenses du couple sont de 85 000 $ par année, réparties 50-50. Des rénovations de la maison sont prévues en 2018; elles seront financées par une hypothèque et le fonds d’urgence. Mise en commun des ressources Luc ne pourra pas prendre sa retraite à 58 ans en s’appuyant sur ses seules ressources, constate rapidement Karine Turcotte. «Il ne peut pas suivre sa conjointe, dont la capacité d’épargne est plus grande et qui bénéficie d’un généreux régime de retraite. Il aura épuisé son capital à 69 ans tandis qu’Isabelle pourra épargner encore, même à la retraite. » Elle remarque qu’il serait plus facile pour Luc d’épargner si les dépenses du couple étaient réparties au prorata des revenus. Le seul plan qui fonctionne pour que le couple puisse se retirer à 58 ans suppose la mise en commun des ressources. Autrement dit, Isabelle devra financer en partie la retraite de Luc. «Cela permettrait de maintenir le niveau de vie actuel jusqu’à l’âge de 97 ans », calcule Karine Turcotte. Ses estimations sont fondées sur les rendements actuels du portefeuille d’Isabelle, soit 3,2 % net de frais. «Le plan pourrait souffrir d’une mauvaise séquence de rendement ou d’un autre événement qui pourrait accélérer l’épuisement du capital. La marge de manœuvre pourrait être insuffisante », dit la conseillère. Mme Turcotte relève que le portefeuille d’Isabelle est principalement composé de fonds distincts. «Ce type de produit coûte en moyenne 3,15 % en frais de gestion par année. » Il offre une forme de garantie du capital dont n’a pas besoin Isabelle. Les fonds communs coûtent moins cher, et les fonds négociés en Bourse sont moins chers encore. Une révision des produits d’investissement pourrait suffire à obtenir la marge de manœuvre supplémentaire. Le couple pourrait aussi envisager une réduction du coût de vie à un certain âge, par exemple à 80 ans. Le report de la retraite est une autre solution. Mme Turcotte fait remarquer que la vente de la maison durant la retraite fait également partie des options. REER, CELI ou REEE ? À la deuxième question d’Isabelle (faut-il privilégier le REER, le CELI ou le REEE ?), la conseillère rappelle que les parents devraient favoriser d’abord le REEE en raison des subventions des gouvernements. Le salaire d’Isabelle fait en sorte que le taux d’imposition sur ses dernières tranches de revenus gagnés est élevé. Il est plus avantageux d’opter pour le REER avant le CELI. Mme Turcotte souligne qu’Isabelle pourra réduire son taux d’imposition à la retraite en fractionnant le revenu de son régime de retraite d’employeur. Une autre manière d’optimiser le fractionnement de revenu consisterait pour Isabelle à contribuer au « REER du conjoint ». «Cette façon de faire lui permettra de bénéficier d’un plus gros capital à la retraite (58 ans) et de décaisser celui-ci à un taux d’imposition moindre à partir de ce moment. La priorité devra être ensuite accordée au CELI. » Dans tous les cas, le couple doit surtout veiller à améliorer la performance de leurs placements. « Ils consacrent des efforts pour épargner, mais ils n’en sont pas récompensés par leurs rendements », constate Mme Turcotte.