6 septembre 2017 | La rédaction | Commenter
Les banques ne favorisent pas toujours le meilleur intérêt de leurs clients; elles font parfois passer leurs bénéfices en premier, estime Fabien Major. Anecdotes à l’appui, il étaye sa thèse dans son nouveau livre.
Intitulé Petits secrets et gros mensonges de votre banquier(VLB éditeur, 24,95$), l’ouvrage du conseiller autonome depuis plus de 20 ans (affilié à Assante) et blogueur pour Conseiller, dénonce certaines pratiques des grandes institutions financières au pays et s’interroge sur la qualité de leurs produits et services.
Conseiller : Pourquoi avoir écrit ce livre?
Fabien Major : Je voulais que les Québécois deviennent des épargnants et des investisseurs plus avertis. Depuis trois ans, j’accumule toutes sortes de conseils à leur intention. Je crois qu’ils sont devenus des consommateurs avertis et se font moins rouler dans la farine, notamment lorsqu’ils achètent des produits ou des vacances à des commerçants. Mais en matière de finances personnelles, il y a encore du chemin à faire. En 2015, un sondage de l’Autorité des marchés financiers (AMF) a montré que 59 % des Québécois connaissaient peu ou pas du tout les produits financiers. Il y a une forme d’ignorance dans ce domaine, faite d’un mélange d’insouciance, de malaise et d’absence d’éducation qui remonte à l’école.
C : La réglementation actuelle ne les protège-t-elle pas déjà?
FM : Aucune réglementation ne remplacera jamais l’absence d’une information adéquate ou d’une bonne éducation financière. Je me suis aperçu, au fil des ans, que le rapport des Québécois à l’argent et à leur banquier était malsain. Ils considèrent trop souvent son banquier comme un être supérieur alors qu’il s’agit simplement d’un vendeur, au même titre qu’un vendeur de produits de télécoms ou de chaussures. Il faut vraiment que cette situation cesse. Nous sommes les patrons en tant que consommateurs de produits financiers, et nous devons surveiller ce que les banquiers nous proposent. D’une façon générale, on leur fait trop confiance.
C : Par exemple?
FM : L’obligation d’agir au mieux des intérêts du client est peu comprise ou pas comprise du tout par les consommateurs, par exemple. Ces derniers croient qu’il va de soi que leur banquier défende leurs intérêts, mais le banquier, lui, on ne le répétera jamais assez, ne défend que les siens. Ce qui est hallucinant, c’est que dans certaines institutions financières, en particulier au comptoir, où a lieu le premier contact entre l’épargnant et un conseiller en finances personnelles, l’employé présent n’a qu’un éventail limité de produits financiers, qui portent tous la marque de son institution. Le consommateur s’en va là en toute confiance, alors que rien ne garantit que ces produits seront les meilleurs ou les plus appropriés, les plus rentables ou les moins coûteux pour lui. Mon message, c’est : attention, surveillez, magasinez, analysez, comparez!
C : La situation est-elle différente dans les cabinets indépendants?
FM : À mon avis, oui. Les conseillers autonomes ont des périodes durant lesquelles ils sont plus tranquilles, ils peuvent prendre le temps d’étudier le marché et ne sont pas soumis à une forte pression pour vendre un produit. Certaines pratiques en vigueur dans le monde financier, comme les objectifs de vente, les quotas, les pressions pour orienter les clients vers tel ou tel produit, sont incompatibles avec le meilleur intérêt du consommateur. Un conseiller autonome sera obligé de faire des recherches et des analyses pour démontrer qu’il favorise le meilleur intérêt de son client.
Un conseiller capable de créer, par exemple, un portefeuille basé sur la performance et la complémentarité aura à sa disposition plusieurs marques de produits, et dans ce cas il ne favorisera pas une seule et même bannière. Il pourra aussi travailler avec différentes compagnies d’assurance pour protéger une hypothèque, ou même collaborer avec un courtier hypothécaire qui s’assurera de trouver la meilleure tarification possible. Ce sont là des gestes qui permettent, en fin de compte, d’épargner des milliers de dollars à long terme. Au contraire, en succursale, très peu d’employés sont au courant de ce qu’offrent leurs concurrents.
C : Quelles solutions proposez-vous pour régler le problème?
FM : Il y en a beaucoup, que je mentionne dans mon livre. Mais la première chose à faire, c’est de s’éduquer, de se renseigner et d’exiger des preuves de la rentabilité d’un produit, en regardant, par exemple, si les frais facturés ainsi que les taux d’intérêt pratiqués sont les plus appropriés. Une autre règle d’or consiste à toujours comparer un produit qui vous est proposé avec ce qu’offre le reste de l’industrie. Par ailleurs, il n’est pas normal de confier à une seule institution financière la totalité de ses avoirs financiers, comme sa carte de crédit, son hypothèque, ses assurances, ses placements, ses régimes enregistrés d’épargne-études (REEE)… Concentrer tous ses actifs sous une même bannière garantit presque que vous allez vous faire flouer!
La preuve? J’ai calculé que sur 20 ans, une famille de la classe moyenne de deux adultes et deux enfants peut payer jusqu’à 194 000 dollars en frais financiers et d’intérêts pour ses cartes de crédit, remboursement d’hypothèque, REEE et autres régimes enregistrés d‘épargne-retraite, et ce, dans l’hypothèse où ces produits ont été achetés à la carte, c’est-à-dire sans rien négocier. Or, si cette famille se donne la peine de négocier ces frais et de poser les bonnes questions à son banquier, elle peut réduire sa facture totale de 54 000 dollars!
C : Quel est l’objectif de votre livre?
FM : Tous les consommateurs qui souhaitent réaliser des économies y trouveront de bons conseils. Ils y trouveront aussi des suggestions pour négocier en meilleure position avec leur banquier lorsqu’ils ont une petite entreprise, comment payer moins cher une assurance hypothécaire, ou encore quelles questions il faut poser pour éviter de se faire rouler.
Ce livre pourra contribuer à faire prendre conscience aux Québécois de la situation actuelle dans le monde bancaire. Et il les aidera à mieux comprendre pourquoi les six principales banques canadiennes font aujourd’hui l’objet de deux enquêtes distinctes de la part du Bureau du surintendant des institutions financières et de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada. Sans parler du comité permanent des finances de la Chambre des communes qui auditionne depuis quelque temps des témoins qui viennent corroborer le fait que les pratiques de ces banques en matière d’objectifs et de quotas de vente se font au détriment de leurs clients.
C : En quoi peut-il intéresser les conseillers?
Je crois qu’il pourra leur révéler certaines pratiques qu’ils ignoraient. Et ceux qui travaillent déjà pour le meilleur intérêt de leurs clients auront des arguments supplémentaires pour se dire qu’ils travaillent bien!